jeudi 22 janvier 2009

Les libéralités

LES LIBERALITES


Elles sont définies dans le Cciv par la loi du 23 juin 2006= acte conventionnel (donation, donation partage) ou unilatéral (testament) réalisé à titre gratuit. Il en existe 2 sortes :
* Entre vifs : Les donations
* A cause de mort : Les legs.

1. Elément matériel : enrichissement du donataire et appauvrissement du donateur car idée = gratuité.
Elles peuvent porter aussi sur des biens matériels, personnels et intellectuels.
 Ne sont pas des libéralités : - Les présents d’usage
- Les donations rémunératoires.

2. Elément intentionnel : animus donandi ou intention de donner. C’est la cause objective des libéralités car elle scelle la qualification même de libéralité. C’est l’élément déterminant.
Controverse : * Conception affective de l’intention libérale qui la définit comme un sentiment de pure bienveillance lorsqu’on favorise autrui à soi.
Req 14 avril 1863 « affaire de la grosse cloche » : une personne veut financer la réfection de la cloche d’une église afin que le son soit comme dans son souvenir  Pas de qualification de libéralité possible car autrui pas favorisé.
* Conception abstraite de l’intention libérale qui la définit comme la conscience ou la volonté de s’appauvrir au bénéfice d’autrui.
CA Paris 24 juillet 1913 : Donation faite au bénéfice de l’église par intérêt moral purement personnel  L’intérêt moral personnel n’empêche pas ici la qualification de libéralité
 Pas de prise de position de la jurisprudence et tout dépend de la qualification que fait le juge de l’acte. Si ATG, le sauve même quand les formes ne sont pas forcément réunies. Si ATO, le condamne de la même façon.

I. Droit commun des libéralités
A. La volonté
Donation = contrat donc rencontre des volontés nécessaire.
Testament = acte unilatérale donc volonté du légataire s’apprécie à la mort du de cujus.
Libéralité = acte grave donc la preuve de l’insanité est facilitée car :
- Contrairement à ATO (1489-1) il n’est pas nécessaire que l’acte contienne la preuve du trouble mental.
- Le secret médical n’est pas un obstacle.
L’incapacité augmente et l’erreur et le dol sont plus largement interprétés.

B. La capacité (pages 35 et 36)
Capacité de jouissance = capacité à être titulaire d’un droit.
Capacité d’exercice = capacité à exercer tout seul le droit

Loi se méfie des libéralités car pas dans la nature humaine. Elle cherche aussi à protéger le patrimoine familial tout en préservant une certaine égalité -car bénéficiaire peut être membre de la famille à ce moment favorisé- mais également à préserver d’un retour vers les privilèges de l’Ancien Régime.
L’article 893 Cciv pose un numerus clausus qui limite à 2 les manières dont il est possible de faire des libéralités.

II. Les donations.
Elles sont définies par l’article 894 Cciv comme les contrats par lesquels le donneur transfère la propriété d’un bien à un donataire qui va l’accepter sans contrepartie.
Les deux caractéristiques essentielles étant : 1. Contrat entre donneur et donataire qui accepte pour que le contrat soit valide.
2. Donneur doit se dessaisir du bien de son vivant, sans contrepartie et irrévocablement.
Si les conditions que le contrat contient sont impossibles, contraires à la loi ou encore aux mœurs alors elles seront réputées non écrites (article 900 Cciv).
Pour que le contrat soit valable, - Le donneur doit être saint d’esprit (Article 901 Cciv) et vivant.
- Le donataire doit être conçu et naître viable par la suite
(Article 906 Cciv).

A. Le formalisme des donations.
Donation = Contrat en principe solennel par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement d’un bien au profit d’un donataire qui accepte.
L’article 931 Cciv soumet la donation à un formalisme strict qui vise l’acte lui-même mais aussi son acceptation (repris par art 932 Cciv) car en l’absence d’acceptation formelle de la donation par son bénéficiaire, celle-ci demeure révocable.
Sanctions encourues en cas d’irrespect de la forme = - Nullité absolue du vivant du donataire.
- Nullité relative à sa mort.
Face à ce formalisme lourd de nombreuses exceptions ont été admises très tôt par la pratique et la jurisprudence.

B. Les exceptions à ce formalisme.

1. La donation indirecte.
C’est une donation faite au moyen d’un acte juridique autre que la donation. Valable et réel, cet acte a pour résultat indirect de réaliser la donation. Ce peut être un acte à titre onéreux comme la vente à faible coût ou le bail à vil prix ou encore un acte neutre càd ni gratuit ni onéreux comme la renonciation in favorem pour favoriser un tiers (à distinguer de la renonciation dans le seul but d’éviter le paiement des dettes) ou encore la stipulation pour autrui au moyen d’une assurance (à distinguer du simple remboursement de la dette)
Cette donation ne respecte pas de formalisme ni la tradition. C’est uniquement par le résultat que se réalise la donation.La jurisprudence admet sa validité puisque la donation n’est pas cachée.
2. La donation déguisée.
C’est une donation simulée comme la donation par personne interposée. Il y a un acte apparent dont le but est de cacher la donation
La jurisprudence admet également sa validité.
La loi du 26 mai 2004 admet la validité de la donation déguisée entre époux qui auparavant était nulle. Ceci afin d’éviter que ne soit contourné le régime spécifique des donations entre époux.

3. Le don manuel.
Cette donation met en place un formalisme de substitution. Elle renonce à l’exigence de la présence de notaire et pourtant elle est valable à la condition qu’existe la tradition matérielle de meubles corporels de la main à la main qui est essentielle pour que la remise soit considérée comme faite avant la mort du de cujus. (Si chèque déposé dans un coffre-fort, il n’y a pas de tradition véritable et pas de don manuel).
Principe = est nul sauf entre époux, la donation de biens à venir et la donation à cause de mort
Limites à la donation avec révocation judiciaire (ingratitude et inexécution de charge) révocation pour survenance d’enfant (960) facultative depuis 2006.

Evolution jurisprudentielle :
*Quant à la tradition :

Civ 1 4 nov 1981 = jurisprudence Coco CHANEL
DM peut être fait au moyen de remise d’un chèque se réalise par le dessaisissement irrévocable et actuel au jour de la donation du moment que la provision est constituée et existante à ce jour. Ici la propriété est acquise au jour de la donation, donc peu importe que le chèque soit encaissé après la mort du de cujus.

Civ 1 20 nov 1985
La provision doit être constituée au jour de la mort au plus tard pour que le DM soit constitué avant la mort du de cujus. Ici provision ne doit pas forcément exister au jour de la donation.

Civ 10 fév 1993
La provision doit exister au jour de la remise du chèque (retour à la jurisprudence Coco CHANEL). C’est à ce moment que le transfert de propriété du chèque s’effectue et peu importe que le chèque ne soit encaissé qu’ensuite.

Civ 1 5 fév 2002
Si la provision n’est pas entièrement établie au jour de la remise, il ne peut y avoir de DM, pas même à hauteur de la provision existante.
RQ : Objet de la tradition = chèque lui-même. Ainsi, le DM est conclu dés la remise du titre et le décès du de cujus n’empêche pas la qualification de DM car c’est le titre de chèque lui-même qui emporte donation. (art 431-35 CMF)
 Pour la Cour de cassation, la remise du chèque seule n’emporte pas donation mais seulement commencement d’exécution.
Pour elle, la tradition passe par la remise du chèque et c’est seulement s’il est APPROVISIONNE que la propriété du donataire sur cette provision devient immédiate.
Critique encourue = A ce moment, la donation repose sur la condition potestative théorique selon laquelle le donateur ne retire pas la provision de son compte avant sa mort alors qu’en pratique rien ne l’empêche de le faire. Cela revient à admettre la validité d’une donation mortis causa qui est prohibée!



* Quant à l’intention libérale :

Civ 1 14 mai 1996
Intention libérale caractérisée permet d’étendre la précarité du mandat à la donation véritable.

Civ 1 14 déc 2004
Si le de cujus a conservé la procuration, cela caractérise l’absence d’intention libérale et écarte le DM.

Correction de la dissertation = La solennité des donations constitue-t-elle un principe du droit des libéralités ?

Donations particulières (page 47)

A. les donations matrimoniales.
Donations entre vifs ou donations à cause de mort portant sur des biens à venir = institution contractuelle soit par contrat de mariage soit au cours du mariage (si enfants, porte sur la quotité disponible la plus large entre époux = 1904)

B. Les libéralités particulières de la loi du 23 juin 2006.
1. Les libéralités graduelles et résiduelles.

a. Graduelles (substitution fidei commissaire)

Elles sont nouvelles dans le code civil, avant elles étaient prohibées par le code de 1804 pour interdire les privilèges de l’ancien régime. La seule exception allait au père ou à la mère envers leurs enfants, frère ou sœur. La loi de 2006 ouvre une permission générale de la libéralité graduelle = libéralité avec charge de transmettre. 1048 = les biens et droits doivent être identifiables à la date de la transmission et en nature à la date de la substitution. Le principe veut que la charge porte sur la quotité disponible si grevée = héritier réservataire mais 930 permet l’acceptation de la libéralité graduelle sur la réserve par l’héritier grevé.
Les droits du second gratifié s’ouvre à la mort du premier après acceptation (1055 et 1056).
1048 et suivants = devoirs du notaire importants.
La donation du second peut être révoquée tant qu’elle n’a pas été acceptée en la forme requise (1055).

b. Résiduels (legs de résiduo).
1057 = ici, c’est ce qui subsiste qui sera recueilli par le second bénéficiaire à la mort du premier qui peut disposer des biens sauf par testament. Le second ne peut revendiquer ni le produit de la vante ni le bien substitué. Si le premier est réservataire, il peut disposer à titre gratuit ou à cause de mort des donations en avancement d’hoiri. Même régime que les libéralités graduelles (1049, 1051, 1052, 1055, 1056, 1061).

2. Les libéralités partage (pages 49 à 51)

III. Les testaments.
Ce sont les 2ème libéralités visées à l’article 893 Cciv : celles à cause de mort. Ils sont définis par l’article 895 comme les actes par lesquels le testateur dispose à cause de mort de tout ou partie de ses biens ; acte qu’il peut révoquer à tout moment avant sa mort.

A. Les différentes formes de testaments.
L’art 969 Cciv recense 3 formes de testaments (il en existe 4 en réalité).
Il existe deux exigences communes à tous les testaments : 1. Actes écrits.
2. Actes personnels (art 968 Cciv) librement révocables.
Codicille ou deuxième testament accepté.
1. Le testament olographe (art 970 Cciv).

2. le testament authentique (art 971 et 972 Cciv).

3. Le testament mystique (art 976Cciv).

4. Le testament international (Loi du 25 avril 1974).




B. L’évolution jurisprudentielle quant à la validité du testament olographe.
C’est la forme la plus répandue mais qui pose aussi le plus de problème puisqu’il s’agit d’un acte sous seing privé.
*Avantage : reste secret, simple car pas acte authentique et peut donc être rédigé n’importe où, ne coûte rien et ne doit être remis à un notaire qu’une fois trouvé.
*Inconvénient : Il peut être détruit ou pas trouvé ou encore ne pas être rédigé dans le minimum de forme requises et être frappé de nullité.

Les conditions sont énoncées à l’article 970 Cciv et exigent : -Un écrit en entier de la main du testateur.
- L’existence de la date.
- Une signature de la main du testateur.
La jurisprudence est souple quant à l’admissibilité du support et de l’instrument servant à établir cette forme de testament.
 Pour autant un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 février 2002 n’admet pas qu’un chèque puisse constituer un testament.
De même, sont admis les ratures et rajouts ou toutes autres surcharges à condition que la certitude qu’elles aient été faites au même moment soit établie. Sinon elles seront nulles. Il est possible d’introduire des codicilles à la suite du texte initial mais dans le respect des formes du TO.
Seules les 2 dernières conditions posent véritablement problème.

1. La signature.
C’est une condition obligatoire du testament olographe et la jurisprudence n’admet pas qu’elle soit absente même si cela semble n’être qu’un oubli au vu de la présence de la formule ; « Je soussigné » = Civ 1 17 fév 2004.
En dehors de cette exigence, tout le reste (pseudo, initiale, prénom seul…) est admis du moment que cela identifie le de cujus.
2. La date.
La jurisprudence admet l’atténuation de l’exigence de la date en se basant sur le principe du commencement de preuve par écrit et de la théorie des équipollents (sauve de la nullité les actes de procédures).
Pour compléter une date incomplète, il existe deux moyens :
1. Corroboration d’un élément intrinsèque par un élément extrinsèque.
2. Si la date demeure impossible à reconstituer on vérifie qu’il n’y ait pas incapacité du testateur au moment de la rédaction de l’acte et encore qu’il n’existe pas de testament ultérieur révoquant celui étudié.
La jurisprudence a d’abord admis que l’on complète la date avec des éléments intrinsèques à l’acte = Req 4 juin 1934.
Puis par des éléments extrinsèques corroborant ces éléments intrinsèques = CIV 24 juin 1952 (Dame PERRONE) car l’année manquait.
Puis Civ 1 9 mars 1983 (PAYANT) où le jour manquait càd le quantième et la Ccass admet que la date soit valable en vérifiant l’absence d’incapacité de tester du de cujus et de testament révocatoire. Arrêt confirmé par Civ 1 1er juillet 1986 (BERTRANDO).
LIMITE = Arrêt de Civ 1 8 mars 1988 (TULOUP) où l’année manque et éléments extrinsèques ne suffisent pas à reconstitution de la date. Incertitude trop grande pour que l’appréciation souveraine des juges du fond puisse la compléter. Ici le TO n’est pas valable.
Puis Civ 1 30 juin 1992 (suicide fiscal) où date complète manque et peut être reconstituée grâce à corroboration de l’élément intrinsèque par l’élément extrinsèque puis jurisprudence PAYANT avec l’absence d’incapacité à tester et de testament révocatoire.

IV. La cause des libéralités.
La cause est indispensable à la validité de libéralité. On distingue : * Le côté abstrait = L’intention libérale.
* Le côté concret = Les mobiles pour déterminer si la cause est licite et morale.
Avant 1999, les libéralités faîtes à la concubine adultère dans le but de commencer ou de continuer la relation sont nulles car immorale. Par contre celles faîtes pour compenser la rupture sont valables car encouragent à y mettre fin.
Civ 1 3 fév 1999 = Revirement de la jurisprudence qui admet la validité de la libéralité faite au sein de la relation adultère et ne la considère plus comme contraire aux bonnes mœurs et abolit la distinction.
Ass plén 29 oct 2004 où une spécificité est évoquée à savoir la rémunération des faveurs de la concubine qui est équivalent à de la prostitution et qui est illégale. Mais la Cour de cassation ne retient pas ce moyen et admet la validité de la libéralité.
Dans un arrêt de la première chambre civile du 1er juillet 2003, les successibles ont trouvé un moyen de parer aux volontés du testateur en renonçant à leurs legs afin de ne pas avoir à remplir la charge qui y est liée càd le versement d’une pension à la maîtresse du de cujus.
RQ : Position de la Ccass critiquable car elle encourage adultère alors que le cciv prône la fidélité entre époux.



La libéralité sous condition ou avec charge.
Condition = évènement futur et incertain dont dépend l’obligation. Il ne peut être totalement potestatif (partiellement potestatif admis).
La condition se différencie de la cause par principe cependant la condition dépendant du gratifié ce confond avec la cause (donation si mariage).
Charge = obligation que le disposant exprime au gratifié qui s’engage à l’exécuter en acceptant la libéralité. Elle peut être dans l’intérêt du gratifié ou du disposant.


Licéité
La close limitant la vente du bien donné est valable si elle est limitée dans le temps et justifiée par un intérêt sérieux (900-1.) mais son effet n’est pas absolu car le légataire ou donataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l’intérêt justifiant la close a disparu et qu’un intérêt plus important l’exige (900-2).

Sanction de l’illicéité.
Contradiction entre 900 = clause réputée non écrite et 1172 qui annule l’ATO lorsque la clause est illicite.
La jurisprudence a abolit cette distinction en énonçant que peut importe si ATO ou ATG = clause déterminante annule l’acte mais si pas déterminante elle est réputée non écrite.

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